Comment le thé a conquis le monde

Saviez-vous que la découverte du thé est vieille de plus de 5000 ans ? Le thé est resté plusieurs siècles en Chine avant de gagner le Japon puis l’Europe continentale, et enfin l’Angleterre et le reste des pays du monde. Son histoire raconte parfois des choses étonnantes, entre hasard et influence royale, découvrons comment le thé a conquis le monde.

1. La découverte du thé en Chine

La découverte du thé en Chine est vieille de plus de 5000 ans. On l’attribue à l’empereur Chinois Shennong Bencao Jing en -2737 Av. J-C. Qui découvrit totalement par hasard l’infusion de la feuille de thé dans l’eau chaude.

La légende raconte que l’empereur était assis sous un arbre tandis que son serviteur lui faisait bouillir de l’eau, lorsque les feuilles d’un arbre voisin se retrouvèrent soufflées dans son eau.

L’empereur, qui était assez curieux et grand herboriste, décida de gouter cette eau colorée créé accidentellement par son serviteur. Il fut séduit par cette délicieuse infusion.

L’arbre était un Camellia sinensis (théier). Des suites de sa découverte, Shennong Bencao Jing poursuivit ses recherches sur le thé et lui découvrit de nombreuses applications médicales. A l’époque il était en effet courant de faire bouillir l’eau avant de la consommer, ce qui rend cette légende plausible.

La légende raconte également qu’il s’est ensuite servi du thé pour se soigner à la suite de consommation de plantes toxiques lors de ses nombreuses recherches en herboristerie.

Après sa découverte, le thé infusé demeura un breuvage réservé à l’élite Chinoise et fut considéré comme un produit de luxe pendant plusieurs siècles.

Du temps du philosophe Yen Ying, en -493 avant J-C, on retrouve des traces de l’utilisation du thé qui est encore appelé par son ancien nom « T’u » qui veut dire « beaucoup de choses ». Plus tard le thé prit le nom de « Ch’a » et continua son développement notamment du vivant du sage Lao-Tseu en -400 av. J-C.

Puis en -59 Av. J-C sous l’empereur Sen, apparait le premier ouvrage connu sur l’achat et la préparation du thé, intitulé « Contrat avec un serviteur » de Wang Bao. Ce livre décrit la place qu’occupe alors le thé dans la culture Chinoise ainsi que son importance dans l’économie du pays.

Le thé continua ensuite son ascension et on retrouva ainsi des récipients pour le thé dans des tombes datant de la dynastie Han (-206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.), mais c’est sous la dynastie Tang (618 à 907 ap. J.-C.) que le thé devint véritablement un produit de consommation courante pour les Chinois, époque à laquelle les premières maisons de thé firent leur apparition.

À cette époque le thé était consommé bouilli, il était façonné en de petites briques compressées qui permettaient de le conserver plus longtemps et de réduire la place occupée lors de son transport. On le mélangeait très souvent avec des plantes aromatiques ainsi que de l’ail et de l’oignon.

Viens ensuite l’auteur Lu Yu, qui rédige de l’an 760 à 780 ap. J-C un livre de référence sur le thé intitulé « Le classique du thé » le Chá jīng en Chinois.

Cet ouvrage traite de l’histoire, la fabrication, la préparation et la dégustation du Thé. Selon Lu-Yu, 24 critères doivent être respectés pour obtenir un bon thé, à commencer par la période de récolte ainsi que la nature de l’eau employée.

Le thé était déjà un bien de grande valeur à l’époque où vivait Lu-Yu, Il faisait partie par exemple de l’impôt à verser à l’empereur et était aussi utilisé comme une monnaie d’échange.

2. L’arrivée du thé au Japon

C’est quelques siècles après pendant l’Époque Heian, aux alentours des années 800 ap. J-C que le thé arriva au Japon, introduit par le moine Japonais Eichû qui ramena des briques de thé de son voyage en Chine en 815 ap. J-C.

Peu de temps après son retour, Eichû fit gouter ces briques de thé à l’Empereur Saga qui fut séduit par cette nouvelle plante, et fit planter des théiers tout autour de la ville de Heian-kyō, ancien nom de l’actuelle ville de Kyôto.

Le thé continua de gagner du terrain au Japon jusqu’à l’Époque Kamakura de 1185 à 1333 ap. J-C où une nouvelle manière de le consommer apparu, le thé en poudre. Introduit auprès de la haute classe militaire par le moine Eisai, le thé battu, ancêtre du thé matcha, rencontra un franc succès parmi la haute société.

Le thé devint de plus en plus consommé au Japon si bien que des compétitions à son sujet virent le jour, appelées tôcha, elles consistent à mesurer la capacité des participants à reconnaitre différents types de thés.

Arrive ensuite l’an 1211 ap. J-C où le prêtre Eisai signe le livre « Kissa Yojoki » qui décrit comment la consommation de thé vert peut affecter cinq organes vitaux, les formes des théiers, des fleurs et des feuilles, ainsi que la méthode de culture et de traitement des feuilles de thé.

La consommation de thé est ensuite devenue un élément important de la culture japonaise, comme le montre le développement de la cérémonie du thé.

3. L’Europe découvre le thé

A la seconde moitié du XVIe siècle, les Européens mentionnent brièvement le thé en tant que boisson. Il est surtout connu des commerçants et missionnaires Portugais qui s’étaient installés à l’est de la Chine. Bien que quelques personnes aient rapporté des échantillons de thé dans leur pays d’origine, ce ne sont pas les Portugais qui ont été les premiers à se lancer dans l’importation commerciale du thé.

Il faudra attendre la fin du XVIe siècle pour que les Hollandais commencent à emprunter les routes commerciales portugaises de l’est de la Chine. Ils finiront par établir un poste sur l’île de Java.

Et c’est en 1606 qu’est ramenée la première cargaison de thé en Hollande, à Amsterdam par la compagnie des indes orientales qui à cette époque entretient de bons liens avec l’Orient.

Le thé est ensuite devenu une boisson à la mode parmi les Hollandais, puis s’est répandu dans d’autres pays d’Europe occidentale continentale, mais en raison de son prix élevé, il demeura une boisson réservée aux classes les plus aisés pendant de nombreuses années.

Le thé était devenu fermement établi dans le cadre du mode de vie britannique.

En 1851, alors que pratiquement tout le thé en Grande-Bretagne venait de Chine, la consommation annuelle par habitant était inférieure à 2 livres. Bt 1901, alimenté par des importations moins chères d’Inde et du Sri Lanka (qui s’appelait alors Ceylan), une autre colonie britannique, avait grimpé à plus de 6 livres par tête. Le thé était devenu fermement établi comme faisant partie du mode de vie britannique. Cela a été officiellement reconnu lors de la Première Guerre mondiale, lorsque le gouvernement a repris l’importation de thé en Grande-Bretagne afin de garantir que cette boisson essentielle au moral de l’homme soit toujours disponible à un prix abordable.

Le gouvernement reprit le contrôle pendant la Seconde Guerre mondiale et le thé fut rationné de 1940 à 1952. En 1952, le London Tea Auction était rétabli, une vente aux enchères régulière organisée depuis 1706.

Cette vente était au centre des préoccupations de l’industrie mondiale du thé, mais l’amélioration de la communication dans le monde et la croissance du nombre d’enchères dans les pays producteurs de thé ont eu pour conséquence que son importance a progressivement diminuée au cours de la seconde moitié du vingtième siècle. La dernière vente aux enchères de thé à Londres a eu lieu le 29 juin 1998.

4. L’arrivée du thé en Grande Bretagne

La Grande-Bretagne, toujours un peu en retrait vis-à-vis des tendances continentales, ne s’était pas encore lancée dans l’importation de thé. Malgré que depuis les années 1600, la British East India Company détenait le monopole de l’importation de marchandises hors Europe.

Il faudra attendre le mois de septembre 1658, pour voir la première référence datée au thé en Angleterre. Elle provient d’une annonce parue dans le journal londonien, Mercurius Politicus, qui annonce qu’une « boisson de Chine, appelée par les Chinois Tcha était en vente dans le café de Sweeting’s Rents de Londres ».

Les termes de cette annonce suggèrent que le thé était encore inconnu de la plupart des lecteurs. Il est donc juste de supposer que la boisson était encore une curiosité.

C’est ensuite le mariage de Charles II avec la princesse portugaise Catherine de Bragance en 1661 qui marqua un tournant dans l’histoire du thé en Grande-Bretagne.

La princesse était une grande amatrice de thé, elle en buvait très souvent, ce que ne manqua pas de remarquer la cour du roi, qui se mit à l’imiter petit à petit.

Grace à Catherine de Bragance le thé était devenue une boisson à la mode dans la cour du roi, les classes plus aisées se mirent ensuite eux aussi à consommer du thé. Et le peuple britannique, voyant les classes supérieurs consommer du thé se mis lui aussi à suivre les manières de la nouvelle reine, et c’est ainsi que le thé conquit toute la Grande Bretagne, grâce à une princesse portugaise venue épouser le roi d’Angleterre.

Profitant de cette récente ascension du thé, la Compagnie des Indes orientales commença à importer du thé en Grande-Bretagne. Sa première commande a été passée en 1664 pour une quantité de 100 livres de thé de Chine directement commandé depuis le relais Néerlandais de l’ile de Java.

Les Britanniques ont ensuite adopté le thé avec enthousiasme, il est devenu une boisson populaire dans les cafés. Les femmes des classes aisées buvaient du thé chez elles mais il était malheureusement encore trop cher pour être répandu parmi la classe ouvrière.

Son prix élevé était dû à un système de taxation abusif. En effet, la première taxe sur le thé de 25 livres sterling introduite en 1689, était si élevée, qu’elle a presque arrêté les ventes. Elle fut ensuite ramenée à 5 livres sterling en 1692 pour finalement disparaitre en 1964.

Une des conséquences imprévue de la taxation élevée du thé par le gouvernement Britannique fut la multiplication des méthodes de contrebande. Au XVllle siècle, de nombreux Britanniques voulaient boire du thé mais ne pouvaient pas se le permettre en raison de son prix élevé. Mais l’enthousiasme autour du thé était tel que des gangs se mirent en place pour approvisionner le marché en thé. Leurs méthodes étaient parfois brutales, mais étaient soutenues par des millions de personnes car elles permettaient aux amateurs de thé britanniques qui n’auraient autrement pas été en mesure de se payer leur boisson préférée d’en disposer à moindre cout.

Ce qui a d’abord commencé comme un petit commerce illégal, vendant quelques kilos de thé à des contacts personnels, s’est rapidement développé pour devenir à la fin du XVIIIe siècle un grand réseau du crime organisé, important parfois jusqu’à 7 millions de livres de thé (3 175 tonnes) par an, contre une importation légale de 5 millions de thé (2 267 tonnes) par an.

Mais cette importation massive de thé de contrebande eu des conséquences désastreuses pour les consommateurs de thé car étant du thé non déclaré, la qualité de ce thé n’était pas contrôlée par la douane britannique. Ce qui donna l’idée à certains gangs de vendre du thé frelaté pour augmenter leurs profits. Des feuilles d’autres plantes ou déjà infusées puis séchées se retrouvèrent ajoutées aux feuilles de thé. Parfois, la couleur obtenue n’était pas suffisamment convaincante. On y ajoutait donc toute sorte de chose pour changer la couleur de l’eau, des excréments d’animaux, du carbonate de cuivre et bien d’autres substances toutes plus étonnantes les unes que les autres…

En 1784, le gouvernement britannique finit par se rendre compte que la lourde imposition qu’il avait mise en place créait plus de problèmes qu’elle ne rapportait d’argent à l’état. Pour remédier à cela William Pitt, le nouveau premier ministre récemment élu, prit la décision de réduire la taxe de 119% à 12,5%. Ce qui rendit soudainement le thé légal abordable et fit pratiquement cesser la contrebande de thé du jour au lendemain.

Le thé était redevenu une boisson abordable en Grande-Bretagne, et une nouvelle interrogation apparue, les gens se demandaient si boire du thé était réellement bon pour la santé. Ainsi, certains riches philanthropes craignaient qu’une consommation excessive de thé au sein de la classe ouvrière conduise à la faiblesse et à la mélancolie. Mais ils ne se préoccupaient pas de la popularité croissante du thé parmi les classes aisées, pour qui la «force de travail» était moins importante.

Le débat a commencé au XIXe siècle, mais a véritablement pris fin au milieu du XXe siècle, lorsqu’une nouvelle génération de philanthropes fortunés comprit les bienfaits que procurait la consommation de thé. Leur envie que les classes ouvrières aillent de l’avant était telle, que le thé était régulièrement offert sur les lieux de travail des ouvriers en remplacement de l’alcool.

5. Le thé de nos jours

De nos jours le thé est consommé sur tous les continents et un nouvel élément moderne est apparu, le sachet de thé. Cette récente invention apparue aux USA au début du XXe siècle, a mit un certain temps à se faire connaitre si bien que les ventes n’ont vraiment décollé que dans les années 1970 en Grande-Bretagne. De nos jours, il serait difficile pour de nombreuses personnes de se passer de ces controversés sachets.

Et encore aujourd’hui, ce sont les britanniques qui dominent le marché du thé, bien que l’Empire colonial britannique ait été démantelé, les entreprises anglaises continuent de jouer un rôle de premier plan dans le commerce mondial du thé et les marques britanniques dominent encore aujourd’hui le marché mondial du thé.

Sources : thevert.com, wikipedia.org, palaisdesthes.com

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